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ÉTUDES MAÇONNIQUES - MASONIC PAPERS

by W.Bro. ALAIN BERNHEIM 33°

LES PRINCIPALES OBÉDIENCES FRANÇAISES
QUELQUES DATES IMPORTANTES DE LEUR HISTOIRE

La Grande Loge de France, dont la date de fondation n’est pas connue, ne s’est jamais intitulée « Grande Loge anglaise de France ». Cette affirmation erronée, imputable à Thory, fut reprise par Bésuchet, Clavel, Ragon, Rebold, Mackey, Gould, Daruty, Lantoine, Marcy et Pierre Chevallier. Je crois avoir été le premier à relever l’erreur de Thory en 1974,[i] constatation confirmée par Alain le Bihan en 1981.

 

1728-1729 La Grande Loge de France

La première apparition de l’expression Grande Loge de France se trouve dans le Pouvoir remis à Paris, le 25 Novembre 1737, par le comte de Derwentwater au baron de Scheffer : Nous lui conferons Nôtre plein Pouvoir de Constituer une ou plusieurs Loges dans le Royaume de Suede; de faire des Maîtres Maçons, et de nommer les Maîtres et Surveillans des Loges qu’il constituera, les quelles seront subordonnées à la Grande Loge de France. Mais cette Grande Loge avait été créée en France en 1728 ou 1729 lors d’un séjour à Paris du duc de Wharton (1698-1731) qui  fut le premier Grand Maître des loges du royaume de France.

Wharton avait été élu Grand Maître de la premier Grand Lodge, le 25 juin 1722 à Londres. Nous savons qu’il occupa ensuite la même fonction en France grâce à l’acquisition, effectuée en 1956 par la Bibliothèque nationale, d’une copie manuscrite du plus ancien ensemble connu de textes réglementaires dont se dotèrent les loges de France en 1735.[ii] Outre Les Devoirs Enjoints aux maçons libres, cet ensemble comprend en effet un texte intitulé Reglements Generaux modelés sur ceux donnés par le tres haut et tres puissant Prince Philipe Duc de Warthon Grand Maitre des loges du royaume de france, avec les changemens qui ont êté faits par le present Grand Maitre Jacques hector Macleane cheval. Baronet d’Ecosse, et qui ont êté donnés avec l’agrément de la grande loge, a la grande assemblée tenue le 27. Xbre 1735, jour de St Jean l’Evangeliste, pour servir de règles a toutes les loges du dit Royaume.

Les successeurs de Wharton furent James Hector McLean (1703-1750) puis Charles, duc de Derwentwater (1693-1746), élu le 27 décembre 1736. Les premiers Grands Maîtres français furent ensuite Louis de Pardaillan, duc d’Antin (1707-1743), probablement élu en 1738, Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont (1709-1771), élu le 11 décembre 1743, et Louis Philippe Joseph (1747-1793), duc d’Orléans puis duc de Chartres en 1785 à la mort de son père, élu le 24 juin 1771.

 

1773 Le Grand Orient de France (GODF)

En 1773, après quatorze réunions tenues à Paris, une majorité des Maîtres de Loges de la Grande Loge adoptèrent les Statuts de l’Ordre Royal de la Franc-Maçonnerie en France dans lesquels une nouvelle expression, Grand Orient de France, était adoptée pour désigner l’obédience.

Ces Statuts, adressés à toutes les loges du Royaume avec une circulaire de trente-cinq pages datée du 26 juin 1773, comprenaient une modification importante : la quasi-totalité des Maîtres de loges parisiens qui occupaient alors leur charge à vie, en vertu des patentes qu’ils avaient reçues de la Grande Loge, devaient dorénavant être élus chaque année par les membres de leur loge, comme c’était déjà le cas pour les Maîtres des loges de province. En désaccord avec ce changement, de nombreux Maîtres parisiens firent sécession et poursuivirent leur activité au nom et en vertu des Règlements de l’ancienne Grande Loge de France.

Après la Révolution, les deux corps nommèrent des commissaires qui décidèrent de leur réunion. Les membres de l’ancienne Grande Loge acceptèrent les modifications votées en 1773. Le Traité d’Union qui mettait fin à l’existence de la Grande Loge de France et recréait l’unité de la maçonnerie française fut ratifié le 22 juin 1799.

 

1804 Le Suprême Conseil de France (SCDF)

En juillet 1804, le comte Alexandre de Grasse-Tilly (1765-1845) arriva de Charleston à Paris. Par autorité de Lettres Patentes qui lui avaient été délivrées le 21 février 1802 par le Suprême Conseil des Etats-Unis d’Amérique, créé à Charleston neuf mois plus tôt, il éleva plusieurs Frères au 33e degré et créa le Suprême Conseil de France en octobre 1804. Le SCDF autorisa et aida la création d’une Grande Loge Écossaise constituée le 17 octobre 1804. Cette Grande Loge fusionna avec le GODF en vertu d’un Concordat signé le 5 décembre suivant mais dénoncé en septembre 1805. Après l’abdication de Napoléon, le SCDF cessa de se réunir mais neuf de ses membres actifs adhérèrent au GODF au sein duquel ils créèrent un Suprême Conseil dénommé Suprême Conseil des Rites, ancêtre de l’actuel Grand Collège des Rites.

Le SCDF se réveilla en 1821. Il organisa en son sein l’année suivante une Grande Loge Centrale qui décerna des Constitutions aux Loges bleues travaillant au Rite Ecossais Ancien et Accepté sous son autorité. Cette situation, existence de deux Suprêmes Conseils (1804 et 1815) dont l’un constituait des loges bleues, perdura jusqu’en 1894. Elle ne suscita pas d’objection de la part d’Albert Pike, Grand Commandeur de la Juridiction Sud, qui entretint des relations d’amitié avec eux deux jusqu’en 1869.[iii]

Parce que le GODF avait reconnut le Suprême Conseil de Louisiane par un décret signé du Grand Maître Mellinet le 5 novembre 1868, quarante-quatre Grandes Loges des Etats-Unis, de 1869 à 1878, prirent successivement la décision de rompre leurs relations avec lui.[iv] Le Grand Commandeur de la Juridiction Sud des Etats-Unis, Albert Pike, prit la même décision envers le Grand Orient et son Suprême Conseil et décida, seulement alors, de reconnaître officiellement le Suprême Conseil de France.[v]

 

1877 et le GODF

Au cours de son convent de septembre 1877, le GODF n’abrogea nullement l’invocation au Grand Architecte de l’Univers dans ses rituels, comme on le lit trop souvent. Il changea la rédaction d’une partie du premier article des Constitutions qu’il avait adoptées pour la première fois de son histoire en 1849 et qu’il avait une première fois modifiée en 1865. Ce passage était rédigé comme suit en 1865 : Elle [la Maçonnerie] a pour principes l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la solidarité humaine. Elle regarde la liberté de conscience comme un droit propre à chaque homme et n’exclut personne pour ses croyances. Sa rédaction en 1877 fut modifiée ainsi : Elle a pour principes la liberté absolue de conscience et la solidarité humaine. Elle n’exclut personne en raison de ses croyances.

De nombreuses Grandes Loges interprétèrent la nouvelle rédaction comme une déclaration d’agnosticisme, sinon d’athéisme, et cessèrent de considérer le GODF comme un corps maçonnique régulier. La plupart des Grandes Loges des Etats-Unis ayant précédemment rompu avec le GODF, neuf seulement estimèrent opportun de rappeler leur position.[vi]

 

1894 La Grande Loge de France (GLDF)

Souhaitant acquérir leur indépendance, les loges bleues qui travaillaient sous l’autorité du Suprême Conseil de France depuis 1822 et avaient été constituées par lui, créèrent en 1894 la Grande Loge de France (GLDF), obédience qui, à l’évidence, n’avait aucun lien historique avec celle du XVIIIe siècle, hormis le nom. La GLDF fut reconnue par le GODF en 1905. Entre 1917 et 1919, vingt-trois Grandes Loges des Etats-Unis la reconnurent ou autorisèrent leurs membres à assister à ses travaux. Au cours de la même période, douze d’entre elles firent de même envers le GODF.

Mais parce que ses Loges fondatrices avaient reçu leurs patentes du SCDF et que les décrets de 1894, 1904 et 1927, délimitant et définissant l’indépendance de la GLDF, émanaient du SCDF, la GLDF n’a jamais été reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre.

 

1913   La Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies françaises

En septembre 1913, le Centre des Amis quitta le GODF. Cette loge se constitua en Grande Loge intitulée Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies françaises (GLNI&R) laquelle fut reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre deux mois plus tard.

La nouvelle obédience fut reconnue par les Grandes Loges du Mississipi, du Missouri et de la Virginie entre 1914 et 1915, par neuf autres Grandes Loges des Etats-Unis jusqu’en 1939, par trente-sept autres jusqu’en 1959 et par l’Alaska et Hawaï en 1981 et 1989.[vii]

En 1948, elle modifia son nom en Grande Loge Nationale Française (GLNF).

 

Après la Seconde Guerre Mondiale

De 1913 à 1959, la GLNI&R, ensuite GLNF, n’entretint aucun rapport avec le GODF ou la GLDF. Ces deux dernières obédiences eurent par contre entre elles des relations plus ou moins intimes selon les inclinations des Grands Officiers se trouvant à leurs têtes. A partir de 1945, ces trois obédiences françaises s’efforcèrent à plusieurs reprises de réaliser l’unité maçonnique nationale. Leurs tentatives se soldèrent par des échecs.

En 1953, la GLDF décida que le serment serait dorénavant prêté sur les trois Grandes Lumières et que le Livre de la Loi Sacrée serait ouvert pendant les travaux de ses loges. Cette décision fut adoptée par le Convent de l’obédience en septembre 1954.

Le 15 mai 1954, cinq Grandes Loges européennes (Pays-Bas, Suisse, Luxembourg, Allemagne et Autriche) avaient signé la Convention de Luxembourg dont l’une des clauses stipulait que ses membres devaient rompre avec les Grandes Loges irrégulières ou non reconnues dans un délai de cinq ans.

Des pourparlers officiels mais secrets étaient entamés le 26 mai 1955 entre des représentants de la GLDF et de la GLNF qui rédigèrent un projet définissant les conditions dans lesquelles l’union de leurs Grandes Loges pourrait se réaliser. Lorsque le Conseil Fédéral de la GLDF prit connaissance du texte de ce projet, le 26 novembre 1955, il décida de le retirer de l’ordre du jour du Convent extraordinaire, qui avait été convoqué le 14 janvier 1956 aux fins de ratification.

La GLDF devint membre de la Convention du Luxembourg en septembre 1956.

En novembre 1958, la GLDF et le GODF préparèrent un projet de Charte d’Union des Grandes Loges de France, union au sein de laquelle leurs deux obédiences s’uniraient avec la GLNF. Les cinq réunions tripartites qui se déroulèrent entre février et juin 1959 aboutirent à un nouvel échec. Pour se conformer aux clauses de la Convention de Luxembourg, la GLDF décida en septembre 1959 de suspendre ses relations avec le GODF pour un an, suspension qui devait devenir définitive si, dans ce délai, le GODF ne revenait pas à la régularité.

La GLDF devait modifier sa position cinq ans plus tard.

 

1964 Le Traité d’Alliance Fraternelle GODF - GLDF et ses Conséquences

La GLU d’Angleterre publia en 1960 un communiqué rappelant que tant le GODF que la GLDF étaient à ses yeux des obédiences irrégulières. D’autre part, les pourparlers que la GLDF souhaitait à nouveau entamer avec la GLNF ne purent avoir lieu en raison d’attaques portées contre elle par la GLNF. Enfin la GLDF dut constater qu’elle perdait le peu de reconnaissances internationales qu’elle avait encore : les Grandes Loges Unies d’Allemagne avaient rompu avec elle en 1960 ; la Suisse, la Belgique et l’Italie avaient fait de même ou suspendu leurs relations en 1963.

Voilà pourquoi, afin de tenter d’échapper à l’isolement, au moins sur le plan national, la GLDF décida de signer un Traité d’Alliance Fraternelle avec le GODF. Ce Traité ne fut ratifié au Convent, le 17 septembre 1964, que par 140 voix contre 82. Opposé à ce Traité, un millier de membres sur un total d’environ huit mille quittait la GLDF et devait rejoindre la GLNF l’année suivante.

Le 18 septembre, lendemain de la ratification du Traité, le SCDF annulait les trois décrets (1894, 1904, 1927) par lesquels il avait progressivement accordé l’indépendance à la GLDF.

 

1965 Le Suprême Conseil pour la France (SCPLF)

Une conséquence indirecte de la ratification de septembre 1964 fut la scission du SCDF. Ses membres appartenaient tous à la GLDF et étaient opposés à un rapprochement avec le GODF, mais ils ne souhaitaient aucunement se rattacher à la GLNF. Le Grand Commandeur Charles Riandey (1892-1976) leur avait toujours affirmé être aussi de cet avis. Or, au cours de sa réunion du 18 décembre 1964, le SCDF apprenait que Riandey rencontrait en secret les dirigeants de la GLNF et exigea sa démission. Devant cette situation, le SC de la Juridiction Sud des Etats-Unis et celui des Pays-Bas suspendaient leurs relations avec le SCDF à la mi-janvier 1965.

Le 9 février 1965, le Grand Commandeur Charles Riandey estimait nécessaire de se faire réinitier aux trois premiers grades par le Grand Maître de la GLNF, Ernest van Hecke, et démissionnait du SCDF le lendemain. Le 13 février, Riandey, Paul Naudon (33e depuis 1960 et membre actif du SCDF depuis 1963), quatre 33e du SCDF et quatre autres Français étaient initiés ou réinitiés du 4e au 33e degré à Amsterdam par le Suprême Conseil des Pays Bas.

Ils fondaient ensuite le Suprême Conseil pour la France (SCPLF), installé à Paris le 24 avril suivant.

 

NOTES



[i]            Travaux de Villard de Honnecourt, Tome X, pp. 23-24.

[ii]           Etienne Fournial, Annales du Grand Orient de France (novembre-décembre 1964).

[iii]           Le Grand Commandeur Pike analysa les relations entre les deux Suprêmes Conseils français et la Juridiction Sud dans son allocution du 29 mars 1860 (Proceedings de la Juridiction Sud 1857-1866, réimprimés en 1878, pp. 98-101). Dans son allocution du 15 octobre 1888 (Official Bulletin de la Juridiction Sud, vol. IX, appendice, pp. 28-31), il résuma les raisons de la rupture entre sa juridiction et le GODF, survenue après que celui-ci eut reconnu le Suprême Conseil de Louisiane en 1868.

[iv]           Coil’s Masonic Encyclopedia (1961 ed.), pp. 263.

[v]            ‘The Southern Jurisdiction ‘henceforward recognize(d) the Supreme Council of the 33d degree, for France and its Dependancies over which the Ill\ Bro\ Crémieux presides’ (Official Bulletin SJ, vol. I: 70). Pike analysa les relations entre les deux Suprêmes Conseils français et la Juridiction Sud dans son allocution prononcée le 29 mars 1860 (Transactions SJ 1857 to 1866, reprinted 1878, pp. 98-101). Dans son allocution du 15 octobre 1888 (Official Bulletin SJ, vol. IX, Appendix, pp. 28-31) il résuma les raisons de sa rupture avec le Grand Orient après que ce dernier ait reconnu le Suprême Conseil de Louisiane en 1868.

[vi]           Voir note 4.

[vii]    Communication (juin 2002) d’un Grand Officier de la GLNF.