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ÉTUDES MAÇONNIQUES - MASONIC PAPERS

by W.Bro. ALAIN BERNHEIM 33°


LA FRANC-MAÇONNERIE ALLEMANDE AU 20e SIÈCLE

Chaire Pierre-Théodore Verhaegen Université Libre de Bruxelles, 8 mai 1998


 

Mesdames et Messieurs,

Il y a douze ans, de la chaire que vous m’avez fait l’honneur de m’offrir cette année, honneur que je vous remercie de m’avoir accordé, un dominicain suisse, le Père Georges Cottier, s’adressait à vous. Traitant la question difficile des rapports entre l’Église romaine et la Franc-Maçonnerie, il disait:

Le dialogue ne suppose pas l’accord des interlocuteurs ni non plus que l’on arrive à tout prix à un consensus, qui, notons le, ne serait en l’occurrence acquis que grâce à des ambiguïtés [...] On peut ne pas partager la position de quelqu’un tout en comprenant le pourquoi de cette position et le poids des arguments sur lesquels il s’appuie.[1]

Pierre Chevallier dont les travaux ont beaucoup contribué à éclaircir l’histoire de la Franc-Maçonnerie française, - permettez-moi de saluer sa mémoire, car il vient de disparaître le 10 avril -, écrivait de son côté en 1975:

Le rôle de l’historien n’est ni de condamner les uns, ni d’acquitter les autres. L’histoire, contrairement à une opinion reçue, n’a pas à juger, mais à expliquer et à faire comprendre. [...] Les mobiles des actes, des décisions, voila ce qu’il faut élucider et c’est une tâche d’autant plus difficile que la période que l’on scalpe et que l’on autopsie est plus proche de nous.[2]

Les réflexions de Paul Veyne, professeur au Collège de France, permettent d’affiner les remarques précédentes. Il souligne que si, par définition, l’historien n’a pas à juger, il ne peut assurément pas se passer de jugements de valeur: il les rapporte, sans juger ces jugements. Mais Veyne ajoute aussitôt que s’il se dispensait toujours de juger les jugements de valeur, l’historien risquerait d’être victime de n’importe quelle imposture des hommes qu’il étudie et qu’il ne faut pas croire les intéressés sur parole dans l’interprétation qu’ils donnent de leur propre société.[3]

Ces remarques préliminaires vous permettent d’entrevoir les difficultés que soulève la présentation en quelques minutes d’un panorama de l’histoire de la Franc-Maçonnerie allemande au 20e siècle. Il sera nécessairement incomplet, et je vous prie d’en excuser les insuffisances et les lacunes.

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Vous savez que le texte des Constitutions, approuvé par la Grande Loge de Londres en 1723, interdisait que des discussions religieuses ou politiques passent le seuil de la loge. Or, au 20e siècle, ces deux thèmes sont au coeur de la vie de la Franc-Maçonnerie allemande, sujet difficile et brûlant dont on commence à peine à écrire l’histoire.

Si cette histoire est encore dans son enfance, c’est que les Francs-Maçons allemands furent longtemps les seuls à l’écrire, c’est-à-dire à choisir d’abord de la passer sous silence pour la transformer ensuite en épopée. De là naquirent des légendes qui vous sont peut-être familières, une persécution générale et indifférenciée des Maçons allemands, leur résistance, leur ‘camouflage’ - en allemand Tarnung -, et la renaissance d’une Maçonnerie allemande épurée en 1945.

La réalité fut différente. Non seulement la récente ouverture au domaine public des archives du Berlin Document Center a confirmé ou révélé que plusieurs membres du parti nazi avaient accédé aux plus hauts postes de responsabilité de la Maçonnerie allemande, une fois la seconde Guerre Mondiale terminée, mais surtout, la lecture des documents maçonniques des années 1920 et 1930 est accablante.

Il ne fait pas de doute que la majorité des obédiences allemandes a tenté de travailler et de s’associer avec le nazisme avant même l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Elle a salué son avènement en soulignant que les thèses du nazisme coïncidaient avec les principes qu’elle se glorifiait de défendre.

Face à cette majorité, une fraction infime - un millier de Maçons, moins d’un pour cent - a organisé en 1930 une nouvelle Grande Loge, la Grande Loge Symbolique, et s’est opposée au nazisme, à sa politique nationaliste, à ses thèses racistes et antisémites. A l’honneur de cette opposition minoritaire, disons très fort qu’elle s’est manifestée de la manière la plus courageuse par la parole et par l’écrit jusqu’en mars 1933, date à laquelle elle décida librement de se mettre en sommeil.

Mais - et c’est bien là où le bât blesse un Maçon d’aujourd’hui - cette Grande Loge Symbolique était la seule Grande Loge allemande à ne pas être considérée régulière, par la Franc-Maçonnerie allemande toutes tendances confondues, bien sûr, mais aussi par les Francs-Maçonneries anglaise et américaine.

Pour tenter de comprendre comment tout cela a pu arriver, il est nécessaire de jeter un coup d’oeil en arrière et d’établir brièvement la généalogie des obédiences allemandes existant au début du 20e siècle.

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Un peu plus de deux siècles sépare les 350 états du Traité de Westphalie de 1648 et l’Allemagne unifiée par Bismarck en 1871. Ce morcellement se refléta naturellement dans l’organisation de la Franc-Maçonnerie allemande au 18e et au 19e siècles. La première loge commence ses travaux à Hambourg au mois de décembre 1737, une délégation de ses membres initie le prince héritier Frédéric le 15 août 1738, et la loge Aux Trois Globes est la première loge ouverte à Berlin le 13 septembre 1740 alors que Frédéric vient d’accéder au trône. Le 24 juin 1744, elle prend le titre de Grande Mère-Loge Nationale Aux Trois Globes Grosse National-Mutterloge ("zu den drei Weltkugeln").

Entre 1764 et 1782, se situe l’essor météorique de la Stricte Observance dont nous parlerons demain. Le médecin-général des armées Zinnendorf, ancien membre des Trois Globes, passe deux ans à la Stricte Observance, il en démissionne et en 1770 fonde une seconde obédience, la Grande Loge Nationale (Grosse Landesloge) qui est reconnue par la Grande Loge anglaise des Modernes en 1773. Cette Grande Loge Nationale adopte les rituels fort particuliers que lui a transmis Eckleff, Maçon suédois dont le rôle fut aussi important que celui de son homologue français, Estienne Morin. Elle ne reconnaît pas les Constitutions d’Anderson de 1723. Son histoire traditionnelle fait remonter l’origine de la Franc-Maçonnerie non pas aux tailleurs de pierre du Moyen-Âge, mais à des Templiers réfugiés en Écosse après la mort de Jacques de Molay en 1314. Dernier point fondamental: elle se définit comme un Ordre chrétien.

La troisième obédience est issue de la loge Aux trois Colombes, créée par des Français en mai 1760 au sein de la Mère-Loge Aux Trois Globes.[4] A la suite d'une scission intervenue en son sein le 11 juin 1798, elle devient la Grande Loge de Prusse et, en 1845, ajoute à son titre les mots Royal York de l'Amitié (Grosse Loge von Preussen, genannt Royal York zur Freundschaft).

Pour ces trois Grandes Loges de Prusse dont le siège est à Berlin, la Franc-Maçonnerie est chrétienne par essence et, logiquement, elles n’acceptent que des chrétiens comme membres et comme visiteurs, c’est-à-dire qu’elles refusent les Juifs. Les cinq autres obédiences qui naissent au 19e siècle à Hambourg, Bayreuth, Dresde, Francfort-sur-le-Main et Darmstadt n’appliquent pas une telle restriction. On les dénommera au 20e siècle Grandes Loges « humanitaires ».

La Franc-Maçonnerie allemande dont nous allons parler ce soir est donc divisée en deux groupes qui se distinguent par l’attitude qu’elles adoptent par rapport à ces critères. Mais ils se considèrent mutuellement comme réguliers et créent l'Alliance des Grandes Loges Allemandes en 1872.[5]

 

1900 - 1935

 

·       1900-1914

A la suite de la guerre de 1870, du manifeste des loges parisiennes attaquant l’Empereur et le prince héritier, de l’annexion de l’Alsace-Lorraine, les relations maçonniques franco-allemandes sont devenues inexistantes. Cette situation change lorsque la loge Cosmos de la Grande Loge de France [6] reçoit la visite de trois Frères allemands le 28 septembre 1900. [7] Tel est le point de départ de relations d’amitié qui aboutirent au baiser fraternel qu’échangent en 1902, au Congrès maçonnique de Genève, le Grand Maître Bonnardot de la Grande Loge de France et le frère Ficke, Grand Maître de la Grande Loge de Bayreuth.[8]

Le grand artisan de la réconciliation maçonnique franco-allemande fut le radiologue Heinrich Kraft, Vénérable d’une loge allemande de Strasbourg.[9] Au mois de septembre 1905, au Congrès de la Verein deutscher Freimaurer qui se tient à Wilhelmsbad, il présente un rapport qui recommande de reconnaître la Grande Loge de France, ce qui sera accompli le 3 juin 1906. L’année suivante, les Grands Maîtres allemands se rendent en délégation officielle à Paris et le Convent du Grand Orient de France vote par 294 voix contre 49 la suppression de la page consacrée aux loges d'Alsace-Lorraine dans son annuaire, page qui depuis 1871 était encadrée de noir. Ce vote facilitera la reprise des relations entre le Grand Orient de France et les Grandes Loges humanitaires allemandes, mais non avec les Grandes Loges de Prusse.

C’est par contre à Berlin que se rend le pro Grand Maître anglais, Lord Ampthill. Reçu par les trois Grandes Loges de Prusse, il déclare:

... tous les Maçons anglais accepteront avec plaisir des relations plus étroites et plus fréquentes avec nos Frères de l’Allemagne puisque tous leurs principes sont absolument les nôtres, puisque rien dans leurs conceptions maçonniques n’est en conflit avec leurs devoirs sociaux, moraux et religieux, et puisque l’histoire de leurs Grandes Loges est intimement liée à celle de la Grande Loge d’Angleterre.[10]

Les trois Grands Maîtres prussiens viennent à Londres au mois de juin 1912. Dans une allocution d’une chaleur exceptionnelle, Lord Ampthill, ira jusqu’à admettre que la Franc-Maçonnerie anglaise néglige l’élément spirituel et qu’elle devrait chercher la lumière chez ses Frères allemands.[11] Signe des temps: Lionel Vibert entreprend la traduction des deux volumes de l’Histoire de la Franc-Maçonnerie en Angleterre de Begemann.[12]

·       1914-1930

La première Guerre Mondiale met fin à cette période de réconciliation. La Grande Loge Royal York zur Freundschaft retranche Royal York de son titre, l’Alliance des Grandes Loges Allemandes rompt ses relations avec les Francs-Maçonneries de l’Entente et même avec la Franc-Maçonnerie suisse, la Grande Loge Unie d’Angleterre décide de ne plus admettre comme visiteurs les Francs-Maçons allemands, autrichiens, hongrois et turcs, décision qui ne sera annulée qu’en 1928.[13] Dans un article paru en 1917, la Grande Loge Nationale attribue la responsabilité de la guerre à « la Franc-Maçonnerie internationale » et conclut: « 99 % de ceux qui se nomment Francs-Maçons sur la terre resteront toujours nos ennemis héréditaires ».[14]

Mais la Franc-Maçonnerie allemande est en butte à des accusations attribuant la défaite à un complot “judéo-maçonnique”. Accusations intolérables pour les trois Grandes Loges prussiennes qui regroupent les deux tiers des Maçons allemands et qui ont toujours refusé d’initier des Juifs. Elles vont donc accentuer leurs positions ultra-nationalistes et durcir leur attitude vis-à-vis des obédiences humanitaires.

La Franc-Maçonnerie allemande est également confrontée au développement de la Fédération du Soleil Levant, née en 1907, dont l’esprit pacifiste et “internationaliste” sont des tares inacceptables dans l’Allemagne de Weimar. Au Congrès de Bâle de 1920, le Soleil Levant entre en contact avec la Grande Loge de France et lui demande l’établissement de relations fraternelles. La Grande Loge Nationale réagira par un article au ton révélateur, publié dans la Deutsche Zeitung en février 1921:

La Grande Loge Nationale sait qu’elle est d’accord avec toutes les autres Grandes Loges allemandes qui partagent ses convictions patriotiques et chrétiennes pour abhorrer les associations éhontées de pacifistes et d’internationalistes grossiers qui ont renié leur patrie et encouru le mépris public en rêvant follement de fraternité universelle. [...] La fédération du Soleil Levant], cette Loge irrégulière [...] ces internationalistes, mendient la reconnaissance de la Grande Loge de France, société de criminels qui ont joué le rôle de clubs politiques et furent les plus ardents à réclamer une guerre d’extermination contre l’Allemagne.[15]

La Fédération du Soleil Levant est reconnue par la Grande Loge de France au mois de septembre 1921. L’année suivante, les trois Grandes Loges de Prusse se retirent avec éclat de l’Alliance créée en 1872 en prétextant que s’y développent des tendances « pacifistes et cosmopolites » et ajoute :

Une frontière sépare fondamentalement la Franc-Maçonnerie humanitaire et l’ancienne Franc-Maçonnerie prussienne. Nous, les trois anciennes Grandes Loges de Prusse, nous refusons de prendre part au mouvement humanitaire de fraternisation générale entre les peuples du monde [...] Pour ce qui est de la question religieuse, nous sommes convaincus que la pure doctrine chrétienne nous a apporté la lumière et la vérité [...] nous ne nous laisserons pas détourner de notre voie et continuerons à n’accepter que des postulants se reconnaissant avec nous dans le Christ.[16]

La Grande Loge zur Freundschaft modifie sa Constitution en 1923: ses buts sont désormais définis comme étant « d’éveiller, de nourrir et de propager les principes de la chrétienté et ceux de l’idéalisme, de la religiosité, des moeurs, du sens de la fraternité et du patriotisme allemands. » Une de ses loges de Regensburg adopte la croix gammée comme symbole maçonnique au mois de septembre 1924. La même année, les trois Grandes Loges prussiennes adoptent une déclaration commune hostile à la Grande Loge de Vienne, traitée de “pacifistes convaincus”. [17]

La Grande Loge de Bayreuth n’est pas en reste: en mars 1924, elle adopte le drapeau allemand comme symbole maçonnique qui devra désormais être présent dans ses Temples.[18] Un article publié en 1925 par son Grand Maître adjoint, l’historien Bernhard Beyer, illustre les contradictions du prétendu apolitisme de la Franc-Maçonnerie allemande: il maintient qu'aucun rapprochement franco-allemand ne peut avoir lieu tant que les dispositions du Traité de Versailles demeurent en vigueur et dans le même souffle fustige la politique pacifiste des obédiences françaises.[19] En 1926, sa Grande Loge interdit à ses membres d’appartenir aux Hauts Grades.

Les surenchères continuent. Alors que Mein Kampf paraît à l’automne 1925, certaines loges de province trouvent que Berlin ne prend pas de positions assez nettes sur les questions politiques. Elles créent donc deux “cercles” réunissant des maçons de différentes obédiences qui diffusent opinions racistes et antisémites. A Bielefeld, le fondateur est un Frère Erich Awe auquel le Suprême Conseil d’Allemagne (DOR) décernera le 33° en 1949 avant de le coopter comme membre actif. Le pasteur Hepp, fondateur du cercle de Wetzlar, défend l’idée que « la Franc-Maçonnerie est indiscutablement d’origine allemande et la Franc-Maçonnerie anglaise en descend ».[20]

A l’occasion de la St Jean 1926, la Grande Loge Nationale rappelle les différences entre les races, voulues par le Créateur, et indique que l’Ordre s’efforce d’élever un barrage contre le déluge catastrophique qu’amène la non-observation de ces différences.[21] Le 4 avril 1928, elle décide de ne plus reconnaître la Grande Loge de Bayreuth qui permet à ses loges de ne pas avoir la Bible sur l'autel.[22] Leo Müffelmann, l’un des rares Maçons francophiles de cette Grande Loge de Bayreuth, la quittera deux mois plus tard, prenant les devants face à l’exclusion dont il est menacé pour avoir eu l’audace d’échanger un baiser de paix avec Arthur Groussier, Grand Maître du Grand Orient de France, à une manifestation internationale organisée par l'A.M.I. à Belgrade en 1926.

A Londres, en 1928, deux loges qui travaillaient en langue allemande avant 1914 viennent de reprendre leurs travaux. Beyer, qui n’a jamais apprécié la Franc-Maçonnerie française, en fait état [23] et en profite pour souligner que si les Francs-Maçonneries française, belge et italienne ont tout fait pour s’éloigner de la Franc-Maçonnerie allemande, la Franc-Maçonnerie anglaise, au contraire, s’est toujours conduite de manière « correcte » à son égard. Conclusion de Beyer: rien ne s’oppose à la reprise de relations avec Londres.

Il est remarquable de constater que l’adoption des Basic Principles a été décidée par la Grande Loge Unie d’Angleterre le 4 septembre 1929 dans ce contexte international.

·       1930-1933

Dans ce même contexte, deux nouveaux corps maçonniques vont se créer en 1930, le Suprême Conseil pour l’Allemagne (Oberster Rat für Deutschland) et la Grande Loge Symbolique d’Allemagne (Symbolische Grossloge von Deutschland). La 4e Conférence Internationale des Suprêmes Conseils, réunie à Lausanne au mois de mai 1929, avait pris une décision importante. Après avoir rappelé que « Dans les pays où il n’existe pas de Grande Loge reconnue par le Suprême Conseil de la juridiction, ce dernier conserve son droit imprescriptible de créer et d’administrer des Ateliers Symboliques », elle avait confié aux Suprêmes Conseils de Suisse et des Pays-Bas le soin d’étudier l’établissement d’un Suprême Conseil en Allemagne.[24] En fait, ce sont les Suprêmes Conseils de France et d’Autriche qui vont remplir cette mission.

Le Suprême Conseil de France commence par décerner des grades écossais à une centaine de membres de la Fédération du Soleil Levant, régularisés dans des loges relevant de la Grande Loge de France, et installe trois Chapitres à Stuttgart, Mannheim et Münich. A Berlin, le Suprême Conseil d’Autriche installe deux ateliers, composés de Maçons allemands qui se sont réfugiés dans des loges de Vienne, et élève au 33° leurs président,. Johannes Bing et Leo Müffelmann. Deux mois plus tard, le 10 février 1930, Bing et Müffelmann fondent le Suprême Conseil d’Allemagne.

Le Grand Commandeur Bing à trente-six ans. Né à Budapest où il est devenu Maçon et docteur en philosophie, il a continué ses études à Oxford tout en exerçant le métier de journaliste correspondant de l’United Press et du New York Herald Tribune. Son métier l’amène à Berlin, il vient visiter la loge que dirige Leo Müffelmann et, avec lui, devient membre de la loge Labor, à Vienne en Autriche. Le rapport rédigé par la délégation hollandaise qui vient à Berlin installer le nouveau Suprême Conseil le 18 avril, décrit bien l’esprit de ses membres :

[...] notre conviction est que des hommes d’honneur viennent de déclarer ouvertement la lutte contre l’esprit nationaliste et dogmatiquement chrétien qui règne au sein de la Franc-Maçonnerie allemande. Ils sont décidés à continuer ce combat jusqu’à la victoire, même si celle-ci ne doit pouvoir être assurée que dans un avenir lointain.

En juin 1930, une scission intervient au congrès annuel de la Fédération du Soleil Levant : environ 600 membres, emmenés par des Maçons qui avaient été régularisés par la Grande Loge de France, à leur tête le Frère Lachmund que l’on retrouvera au sein de la Résistance allemande,[25] prennent la décision de fonder une nouvelle obédience, la Grande Loge Symbolique d’Allemagne. Qui allait les installer ? Ils s’adressent d’abord à la Grande Loge de Bayreuth qui leur oppose un refus, puis à l’Alliance des Grandes Loges Allemandes qui fait de même. En raison de l’atmosphère régnant dans le pays, ils considèrent qu’il serait maladroit de s’adresser à une puissance maçonnique étrangère, telle la Grande Loge de France ou celle d’Autriche. Et comme ils viennent d’élire pour Grand Maître Leo Müffelmann, le Lieutenant Grand Commandeur du Suprême Conseil pour l’Allemagne, c’est une délégation du Suprême Conseil comprenant Raoul Koner, Ernst Rauschenbusch et Fritz Bensch qui installe la Grande Loge Symbolique le 27 juillet à Hambourg.

Leur décision avait été prise en l’absence du Grand Commandeur Bing, en voyage à l’étranger, qui les désavouera publiquement par une circulaire qu’il adresse le 22 août aux journaux allemands. Après une réunion du Suprême Conseil qui se tient à Genève, Bing signe le surlendemain une seconde circulaire annulant la première, mais il était trop tard. La presse maçonnique ironisa lourdement sur ce conflit. Bing renonça à sa charge de Grand Commandeur. Son successeur, Reber, fut élu le 6 septembre suivant. Müffelmann démissionne du poste de Lieutenant Grand Commandeur où il est remplacé par Fritz Bensch.

Le Grand Commandeur de la Juridiction Sud des États-Unis, Cowles, refusera de reconnaître le Suprême Conseil pour l’Allemagne. Montrant combien le climat régnant en Allemagne lui est étranger, il explique à Bing et à Reber qu’il ne pourrait établir de relations fraternelles avec leur Suprême Conseil que lorsque celui-ci serait reconnu par au moins une des Grandes Loges allemandes avec lesquelles les Grandes Loges américaines entretiennent des rapports d’amitié.

Aux élections du 14 septembre 1930, le parti nazi remporte un succès inattendu avec 6 millions 400 000 voix et 107 sièges au Reichstag.[26] Un mois plus tard, paraît le premier numéro des alten Pflichten, organe mensuel de la Grande Loge Symbolique. Müffelmann explique que la nouvelle Grande Loge allemande a été fondée parce que les Grandes Loges chrétiennes et humanitaires sont opposées à la notion de chaîne d’union internationale et au Rite Ecossais Ancien et Accepté. Et, de fait, l’unité des Grandes Loges allemandes se refait temporairement contre ces deux intrus. Elles sont toutes à Weimar, le 26 octobre 1930, à l’exception de la Grande Loge Nationale, pour s‘élever publiquement contre ces récentes "undeutsche Gründungen". Le même jour, la Grande Loge Nationale décide d’ajouter à son nom  les mots Ordre Germano-Chrétien (Deutsch-Christlicher Orden), une déclaration officielle précisant que les postulants sauront ainsi clairement à quoi s’en tenir sur ses principes.

Au mois d’août 1931, le Grand Maître de la Grande Loge de Hambourg, Richard Bröse, adresse au nom de son obédience une lettre ouverte à Hitler. Il ne peut pas croire qu’Hitler accorde foi aux accusations portées contre la Franc-Maçonnerie dans la presse et offre de lui ouvrir les archives de sa Grande Loge. Si leur examen devait permettre d’y déceler le moindre indice d’une conduite contraire aux intérêts du pays, il se déclare prêt à dissoudre son obédience.[27]

Le Grand Maître Müffelmann réagit dans les alten Pflichten qui consacrent quatre pages en décembre 1931 au thème Franc-Maçonnerie et nazisme:

De telles lettres [...¨] sont de nature à donner raison à Rosenberg.[28] La véritable Franc-Maçonnerie voit bien aujourd’hui où se trouve son devoir. Le but de la véritable Franc-Maçonnerie est de lutter contre le bolchevisme, le fascisme, le national-socialisme. En dépit de toutes les contradictions, elle se place aujourd’hui aux côtés de l’Eglise romaine pour défendre [...] l’humanisme et le genre humain [...] La lutte a commencé. Il y va de la défense commune de la culture occidentale. La rivalité entre la Franc-Maçonnerie et le catholicisme doit s’effacer pour laisser la place aux grandes notions de Liberté et d’Humanité.

Les contacts entre Londres et Bayreuth se concrétisent. Au mois de septembre 1931, Seiflow, le Vénérable de la Pilgrim’s Lodge de Londres, qui est né de parents allemands, demande a Beyer de lui adresser un panorama de la Franc-Maçonnerie allemande « qui serait très intéressant pour notre Grande Loge ». [29] Le 15 janvier suivant, il annonce à Beyer que la Grande Loge d’Angleterre s’est décidée à échanger des garants d’amitié avec la Grande Loge de Bayreuth.[30] L’établissement de ces relations a une conséquence immédiate: trois mois plus tard, les Grandes Loges de Berlin rompent avec Bayreuth, et la Grande Loge de Darmstadt décide, elle aussi, de quitter ce qui restait encore de l’Alliance des Grandes Loges Allemandes.

Dans les alten Pflichten de février 1932, le Grand Maître Müffelmann revient à la charge: « Mes prises de position ont déclenché de nombreuses discussions au sein de notre Grande Loge. Il en est ressorti une position unanime opposée au nazisme. Le nazisme est l’ennemi de la Franc-Maçonnerie. La Franc-Maçonnerie se tient, elle doit se tenir, prête au combat contre lui ».

En avril 1932, au second tour de l’élection présidentielle, Hindenburg obtient plus de dix-neuf millions de voix et Hitler plus de treize. von Heeringen déclare au nom de la Grande Loge Nationale qu’il ne voit pas l’ombre d’inconvénient à ce que ses membres adhèrent au parti nazi. Witt-Hoë, dignitaire de la même obédience, soutient avec un aveuglement remarquable que Mein Kampf ne contient rien contre la Franc-Maçonnerie. [31]

En juin, la Grande Loge de Bayreuth publie une brochure de quarante pages pour justifier la reprise de ses relations avec l’Angleterre. La presse maçonnique internationale, affirme Beyer, tente de faire croire que ce ne seraient pas seulement les Grandes Loges de Prusse qui seraient passées dans le camp nazi, mais également les Grandes Loges humanitaires. Du coup, les Grandes Loges européennes se sont détournées de nous, elles ont reconnu la Grande Loge Symbolique qui est irrégulière, et la Franc-Maçonnerie allemande régulière se trouve encerclée. Or, explique-t-il, la Grande Loge Unie d’Angleterre est la seule à s’être refusée catégoriquement à reconnaître la Grande Loge Symbolique.[32] Son aide est donc la bienvenue. Et Beyer d’ajouter, non sans naïveté:

Certes, la Franc-Maçonnerie anglaise ne fait pas de politique, mais tous les hommes politiquement influents se trouvent dans les Loges. [...] nous ne pouvons pas refuser la main qui nous est tendue de l’autre côté de la Manche et rejeter la Grande Loge d’Angleterre du côté de la Franc-Maçonnerie française.[33]

Aux nouvelles élections du 31 juillet 1932, les nazis triomphent en obtenant près de 14 millions de voix, ce qui en fait le premier parti au Reichstag. Le 30 janvier 1933 voit l’avènement du 3e Reich. Hitler est nommé chancelier. Le 21 mars, la journée de Potsdam consacre la fin de la République de Weimar. Le Grand Maître de la Grande Loge de Saxe et les trois Grands Maîtres de Prusse adressent des télégrammes de félicitations à Hitler qui leur répond en les remerciant.[34]

·       1933 ET APRÈS

La Grande Loge Symbolique aura été la seule obédience allemande à adopter des positions résolument opposées au nazisme. Et ce sera la seule, avec le Suprême Conseil, à décider spontanément de se mettre en sommeil dans les derniers jours de mars 1933. Ses dirigeants sont arrêtés par la Gestapo et internés.[35] Une intervention américaine, due au Grand Commandeur Cowles, permettra leur libération le 26 novembre. En février 1934, après de nouveaux interrogatoires, ils seront forcés de signer une déclaration affirmant qu’ils n’avaient pas subi de mauvais traitements, ce qui, bien sûr, était faux.

En avril, Müffelmann retourne en Palestine où il avait installé une loge de la Grande Loge Symbolique en mars 1931. Cette fois-ci, il vient installer la Grande Loge Symbolique en Exil et, muni d’un document que lui avaient remis les membres du Suprême Conseil en juin 1933 le nommait Grand Commandeur à titre provisoire (kommissarisch), le 24 avril, il investit Emanuel Propper du pouvoir d’élever des Frères dans les grades du Rite Ecossais jusqu’au 33° et de faire tout ce qu’il estimera nécessaire pour le bien du Rite.[36] Malgré les objurgations de ses Frères, il repart pour l’Allemagne et meurt à Berlin le 29 août 1934 des suites des sévices que la Gestapo lui avait infligés.

Si, pendant ce temps, les Grandes Loges humanitaires tentent sans grand succès de sauver ce qui leur paraît pouvoir l'être en se transformant en sociétés profanes excluant les “non-aryens”, les trois obédiences prussiennes adoptent une attitude radicalement différente. Nous pouvons suivre son déclenchement grâce aux circulaires que la Grande Loge Aux Trois Globes adresse à ses loges au mois d’avril 1933. Voici la première, datée du 11 avril :[37]:

Dans la matinée du lundi 11 avril, le Grand Maître de la Grande Loge Nationale, von Heeringen, est venu à notre siège à Berlin. Il nous a communiqué la substance de son entretien du vendredi 7 avril avec le ministre Göring [...] Celui-ci lui a déclaré qu’il n’y avait pas de place pour la Franc-Maçonnerie dans un état national-socialiste fondé sur le fascisme. Le Grand Maître a déclaré en tirer les conséquences: la Grande Loge Nationale cesse d’exister en tant qu’Ordre maçonnique mais se perpétue sous le nom d’Ordre germano-chrétien des Templiers. {...]

Il nous apparaît particulièrement regrettable que le Grand Maître ne nous ait pas informé du contenu de ces entretiens samedi ou dimanche dernier, privant ainsi notre réunion annuelle extraordinaire de la possibilité de voter des résolutions dans le même sens. [...] II est nécessaire d’agir immédiatement et de ne pas perdre un instant. [...] Nous avons décidé de remplacer notre titre par celui d’Ordre National-Chrétien Frédéric le Grand. [...] Nous vous prions de nous adresser la déclaration suivante: nous nous déclarons d’accord avec les décisions énumérées ci-dessus et avec toutes celles que la direction nationale pourrait être amenée à prendre.

Le lendemain, l’ancienne Grande Loge Aux Trois Globes s’adresse par écrit à la direction du parti nazi:

Depuis près de 200 ans, notre Ordre a toujours refusé d’accepter les Juifs. [...] Nous pensons qu’il ne demeure aucune raison pour refuser à nos membres l’entrée dans le parti national-socialiste. Nous ne sommes pas des Francs-Maçons. Laissez la voie libre à 20.000 hommes aux sentiments patriotiques pour collaborer à la construction de l’État national-socialiste.[38]

Le 19 avril, une nouvelle circulaire précise:

Les modifications que nous avons introduites sont strictement conformes aux exigences du parti national-socialiste [...] En conséquence, nous ne pouvons en aucune manière être considérés comme des Francs-Maçons camouflés, nous ne sommes plus des Francs-Maçons. [...] Nous avons reçu de si nombreuses réponses des Loges que nous avons déjà une majorité des deux tiers favorable à nos modifications.[39]

La Grande Loge de l’Amitié se rebaptise Ordre Germano-Chrétien de l’Amitié et publie une déclaration qui contient les mots suivants:

Ne peuvent devenir membres de l’Ordre que des hommes de descendance aryenne. Les Juifs et les marxistes en sont exclus. Le serment du secret n’existe plus. L’Ordre se veut une école de chefs, la pépinière d’une communauté germano-chrétienne conservant la précieuse tradition spirituelle des anciens Germains pour servir à la construction du nouvel État.[40]

Le 20 avril, dans une circulaire commune avec l’Ordre Frédéric le Grand, l’Amitié annonce adopter la croix gammée comme insigne des Maîtres de loges et comme symbole de la lumière.[41] Nous connaissons les “rituels” que les trois Grandes Loges de Prusse rédigèrent et adoptèrent durant l’été 1933.[42] Ils ne méritent pas d’être cités. Un décret du Maître (O+M) de l’Ordre  des Templiers décide le renvoi des membres qui ne sont pas de descendance aryenne ou qui ont épousé une juive. Un Mémoire de l’ancienne Grande Loge de l’Amitié, daté de Pâques 1934, déclare: « Nous servons fidèlement Adolf Hitler [...] nous nous plaçons sur le terrain des idées nationales-socialistes [...] »

L’interdiction de la Franc-Maçonnerie interviendra malgré tout le 17 août 1935. Toutes les loges qui existaient encore seront alors dissoutes.

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1945-1958

Le développement de la Franc-Maçonnerie allemande aux 18e et 19e siècles s'expliquait par le morcellement de l'Allemagne en états de taille et d'importance fort diverses. Les événements qui commencent en 1945 doivent être lus en se rappelant que l'Allemagne était alors divisée en zones d'occupation militaires étanches.

·       VERS LA GRANDE LOGE UNIE DE 1949

Les premières réunions maçonniques ont lieu à Hambourg en juin 1945, [43] mais c’est de Francfort, en zone américaine, que va venir l’impulsion majeure en 1947. Les 14 et 15 juin, un convent réunit 21 membres de toutes les anciennes obédiences allemandes, à l’exception de la Grande Loge Nationale. L’animateur en est August Pauls, un avocat qui vient de quitter Magdebourg en zone soviétique. et que les autorités américaines ont autorisé à ouvrir un cabinet à Francfort. [44] Le groupe qui se forme sous sa direction se donne pour but d’éliminer la distinction qui existait avant la guerre entre Grandes Loges humanitaires et chrétiennes. Ce but ne sera jamais atteint, la Grande Loge Nationale affirmant à différentes reprises qu’elle tient à conserver ses rituels, son organisation hiérarchique dans laquelle les hauts grades jouent un rôle essentiel, et son caractère d’Ordre chrétien.

Au gré des autorisations accordées par les responsables des zones d’occupation, des Grandes Loges se forment dans les différents Länder. Leurs Grands Maîtres se réunissent à Francfort le 15 mai 1948 et décident d’accepter - mais en les régularisant - les membres de la Grande Loge Symbolique et de la Fédération du Soleil Levant.[45] A Würzburg, début octobre, ils mettent au point la Loi Fondamentale de la nouvelle Grande Loge Unie qu’ils vont créer et se mettent d’accord, à l’exception du représentant de la Grande Loge Nationale, Friedrich August Pinkerneil, sur un texte en sept articles. Le premier Grand Maître sera Theodor Vogel qui vient de succéder à Beyer à la tête de la Grande Loge de Bavière à Bayreuth.

En janvier 1949, de nouvelles discussions avec la Grande Loge Nationale n’aboutissent pas.[46] La Grande Loge Unie va se faire sans elle. Au cours de cette réunion, une résolution solennelle, adressée aux Francs-Maçons du monde entier, marque la naissance de la légende:

Le national-socialisme qui en 1933 balaya les loges maçonniques allemandes a infligé d’épouvantables blessures à la culture humaine. Même si personne dans nos rangs n’a participé à ces crimes, personne qui intérieurement ou extérieurement se soit senti lié à la violence meurtrière du 3e Reich, même si beaucoup d’entre nous furent opposants et victimes de ce Reich, il n’en demeure pas moins qu’en tant qu’Allemands, nous sommes conscients du devoir qui nous incombe de contribuer de toutes nos forces à la guérison des blessures. [...] A l’heure où notre peuple et son État tomba entre les mains de criminels inhumains, nous étions trop faibles pour nous opposer à eux.[47]

Ce texte est reproduit dans la brochure publiée en 1949 par la National Masonic Association, organisation américaine caritative qui envoie une délégation pour évaluer l’aide à accorder aux Francs-Maçons allemands. Pas un mot n’y évoque le courage de la Grande Loge Symbolique, rien n’y stigmatise l’attitude des Grandes Loges de Prusse. On y lit le tableau imaginaire d’une Franc-Maçonnerie allemande persécutée dont toutes les loges auraient été interdites en 1933.

Deux ans d’efforts ont permis à la Grande Loge Unie des Francs-Maçons d'Allemagne (Vereinigte Grossloge der Freimaurer von Deutschland ou VGL) de rassembler 174 loges.[48] Elle est installée à Francfort-sur-le-Main, le 19 juin 1949.[49]

·       VERS LES GRANDES LOGES UNIES DE 1958

Au mois de septembre 1951, les relations de la Grande Loge Unie avec le Grand Orient de France - parmi les invités de juin 1949 se trouvait son Grand Maître Louis Bonnard - deviennent plus étroites grâce à la visite à Paris du Grand Maître Vogel qu'accompagne un vieil ami de la France, Raoul Koner. Sous la pression des États-Unis, ces relations sont rompues le 13 décembre 1952, au cours d'une rencontre entre les Grands Maîtres Chevallier, Viaud et Vogel à Offenburg.[50]

Pour bien marquer sa différence, la Grande Loge Nationale fonde à Berlin, le 29 avril 1952, l'Alliance des Grandes Loges Maçonniques chrétiennes d'Allemagne (Bund christlicher Freimaurer - Grosslogen Deutschlands) avec la Grande Loge Aux Trois Globes. Le 13 février 1953, elle est reconnue par la Grande Loge de Suède.

L'Angleterre va alors intervenir de tout son poids pour forcer les obédiences allemandes à s’unir. Deux dignitaires de la Grande Loge Nationale sont invités à Londres le 18 février 1954. Le 11 décembre et le 8 janvier suivant, ils reprennent leurs pourparlers avec la Grande Loge Unie de Vogel. A cette occasion la Grande Loge Nationale admettra - en une formulation peu conforme à la vérité - ses errements du passé et déclarera admettre [désormais] comme visiteurs les Frères réguliers appartenant à d’autres confessions [que les chrétiens].[51] Néanmoins, ces nouvelles réunions ne parviendront pas à déboucher sur un accord.[52]

Le 5 décembre 1956, sans en prévenir la Grande Loge de Suède, la Grande Loge Unie d'Angleterre décide de reconnaître la Grande Loge Unie d’Allemagne, ce qui a pour résultat d’isoler la Grande Loge Nationale. Le 14 juin 1957, une nouvelle conférence réunit à Londres les représentants des Maçonneries britannique et scandinave qui exhortent les Allemands à s’unir.[53] Projets et contre-projets se succèdent encore pendant un an. Le 27 avril 1958, après plus de douze ans de pourparlers, la Grande Loge Nationale et la Grande Loge Unie parviennent enfin à tomber d'accord sur les termes de leur union, concrétisés dans un texte intitulé Magna Carta.[54] La nouvelle obédience s’appellera Grandes Loges Unies d'Allemagne, au pluriel.[55] C'est encore Theodor Vogel qui en est le premier Grand Maître. Dans son organisme directeur, le Sénat, chacune des parties contractantes est représentée par quatre membres et deux suppléants. L’union est ratifiée le 17 mai 1958. Chaque obédience se réunit en convent pour approuver la Magna Carta, la Grande Loge Nationale à Berlin le matin, la Grande Loge Unie à Wiesbaden l'après-midi.[56]

L’APRÈS 1958

Il faut maintenant pour les Grandes Loges Unies d'Allemagne obtenir la reconnaissance des trois Grandes Loges britanniques, puisqu'il s'agit d'une nouvelle obédience. Cette reconnaissance aurait semblé aller de soi. Or, tel n'est pas le cas en raison de la présence conjointe - que les trois Grandes Loges britanniques prétendent subitement découvrir - des Grandes Loges Unies d’Allemagne et de la Grande Loge de France au sein de la Convention de Luxembourg.[57]

Ce problème est mis à l'ordre du jour d’une nouvelle conférence à Londres, le 30 octobre 1959. Elle réunit de hauts dignitaires des Grandes Loges d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, le Grand Maître adjoint des Grandes Loges Unies d'Allemagne Pinkerneil qui remplace le Grand Maître Vogel malade (ou défaillant), et le Grand Maître Davidson ainsi que le Frère Hofman pour les Pays-Bas.[58]

Pour être reconnues, les Grandes Loges Unies d’Allemagne seront mises dans l’obligation de rompre avec la Grande Loge de France, rupture accomplie le 2 novembre 1960.

·       LES ÉVÉNEMENTS DE 1961

Revenons sur le Suprême Conseil d’Allemagne pour comprendre ce qui va lui arriver en 1961. Le Lieutenant Grand Commandeur Bensch avait été fait prisonnier par les Soviétiques. Il mourut à Berlin, peu après son retour de captivité, le 28 août 1945. Quelques jours plus tôt, il avait nommé Raoul Koner Grand Commandeur par intérim et affilié August Pauls comme membre du Rite en Allemagne.[59]

Le Suprême Conseil tient sa première réunion à Francfort, le 1 juin 1947 et décerne le 33° à plusieurs Frères dont le futur Grand Maître Vogel. Pauls est élu Grand Commandeur le 1 novembre et le restera jusqu’à sa mort, le 31 août 1956. Le Suprême Conseil sera assez rapidement reconnu par la plupart des juridictions du monde entier.[60] Le 13 mai 1952, Pauls assiste à la réunion des Grands Commandeurs Européens à Lausanne. Il y présente un historique de son Suprême Conseil et déclare : « Aucun Fr\ qui a collaboré avec les Nazis n’est toléré et ne peut faire partie du Rite [...] nous n’avons dans nos rangs aucun membre qui a fait partie d’organisations criminelles de Hitler ».[61] Je ne sais pas si Erich Awe, qui avait été le fondateur du “cercle” d’extrême-droite de Bielefeld en 1925, a été membre du parti nazi. Toujours est-il qu’Awe avait reçu le 33° de Pauls en février 1949 et que six semaines avant de se rendre à Lausanne, Pauls avait procédé à son installation comme président de l’atelier du 30° de Bielefeld.

A la mort du Grand Commandeur Pauls, le Suprême Conseil élit Georg Geier pour son successeur en février 1957. Geier ancien membre de la Fédération du Soleil Levant et fondateur de la Grande Loge Symbolique, avait été élevé au 33° lors de la réunion de Francfort en 1947 et coopté le même jour comme membre actif. Geier meurt le 1 septembre 1960. Les discussions sur le choix d’un nouveau Grand Commandeur commencent au moment même où les Grandes Loges Unies d’Allemagne rompent avec la Grande Loge de France.

Au cours d’une réunion du Suprême Conseil, le nom de l’Ancien Grand Maître Vogel est avancé. Il décline la proposition et suggère la candidature de Walther Hörstmann.[62] Lors de sa réunion du 19 novembre, après avoir entendu la lecture d’une lettre écrite par Hörstmann le 4 mai 1933, le Suprême Conseil estime souhaitable que « le passé d’un candidat ne soit pas hypothéqué par son attitude pendant la période 1933-1945 ».[63] En 1933, Hörstmann avait 34 ans et appartenait à la Grande Loge Nationale depuis dix ans. Dans cette lettre, adressée aux Frères de sa loge de Celle, Hörstmann expliquait que la direction locale du parti nazi exigeait sa démission de l’Ordre Germano-Chrétien (l’ancienne Grande Loge Nationale) avant de pouvoir l’accepter comme nouveau membre. Refusant d’être considéré comme un citoyen de deuxième classe en raison de son appartenance à une organisation suspecte, Hörstmann présentait sa démission.

Deux autres candidatures furent alors envisagées: celles des Frères Koner et Schalscha.[64] Peu de temps après cette réunion, le Suprême Conseil apprenait qu’un petit groupe de ses membres réunis avec le Frère Pinkerneil avait émis l’opinion que l’élection du Frère Schalscha pourrait s’avérer négative pour l’image du Suprême Conseil en raison de son origine juive. Schalscha retira alors sa candidature. Le 14 janvier 1961, jour de l’élection, le Suprême Conseil découvre que Raoul Koner vient d’être radié par les Grandes Loges Unies en raison d’articles peu indulgents pour l’Angleterre qu’il a publiés dans Eleusis, la revue du Suprême Conseil. Erich Schalscha est alors élu Grand Commandeur. Le vote fut attaqué par Vogel, Doerper et Hörstmann sur la base d’arguments juridiques dont la validité ne fut pas été reconnue. Tous les trois adressèrent alors leurs démissions au Suprême Conseil, le 7 mai 1961.[65]

Dans le courant de l’été, Vogel publia deux écrits polémiques dont l’un reproduisait sur soixante pages une sélection d’articles parus dans la presse maçonnique en 1930 et 1931, attaquant violemment le Suprême Conseil et la Grande Loge Symbolique en vertu des critères de l’époque.

Hörstmann publia de son côté une brochure de vingt pages incluant le texte de plusieurs documents le concernant, notamment sa lettre de 1933 et les deux jugements qui l’avaient acquitté.[66] Le premier avait été rendu le 13 octobre 1948 par le jury d’honneur de la Grande Loge provinciale de Basse-Saxe de la Grande Loge Nationale devant lequel sa lettre de 1933 avait été lue. Le jugement était bref: « Le jury constate que le F Hörstmann peut sans restrictions continuer à appartenir à la Franc-Maçonnerie », mais l’un de ses attendus mérite d’être reproduit:

Le jury a constaté qu’à cette époque [1933], des Maçons occupant une situation éminente ont approuvé ouvertement la manière de voir du nouveau gouvernement [celui des nazis] et qu’ils occupent néanmoins aujourd’hui [en 1948] à nouveau des postes dirigeants dans la Franc-Maçonnerie [mes italiques]. Si le Frère Hörstmann a partagé leur opinion - comme le firent d’autres dirigeants - mais a fait un pas de plus en démissionnant de l’Ordre, ceci, aux yeux du jury d’honneur, ne saurait avoir constitué une atteinte à ses devoirs maçonniques et doit au contraire être porté à son crédit... [67]

La mise au point que le Suprême Conseil publia au mois d’août 1961 apporte deux éléments inédits. Elle mentionne d’une part les démarches entreprises par Vogel auprès du Grand Commandeur du Suprême Conseil d’Angleterre, Loyd, en vue de créer un second Suprême Conseil en Allemagne. D’autre part le Suprême Conseil relevait que la publication de documents des années 1930 « constituait une grave atteinte à l’accord conclu en 1946, selon lequel les événements survenus entre 1920 et 1935 seraient recouverts du manteau de l’oubli et passés sous silence ».[68]

Je ne connais que deux autres allusions à un tel accord dont l’existence même semble avoir été tenue secrète [69] mais il explique pourquoi il fallut attendre 1964 pour que des documents maçonniques remontant à l’époque nazie soient publiés pour la première fois.[70]

·       PROBLÈMES AVEC LES SUPRÊMES CONSEILS AMÉRICAINS (1967-1972)

Des incidents non moins graves devaient survenir quelques années plus tard. Après que le Grand Orient et la Grande Loge de France aient conclu un Traité d’Alliance Fraternelle, on sait qu’un deuxième Suprême Conseil avait été fondé en 1965 à Paris sous la direction de Charles Riandey. Sa régularité fut l’objet de nombreuses discussions. Au mois de juin 1967, à la IXe Conférence Internationale de Bruxelles où quatorze Suprême Conseils étaient représentés, six délégations, dont celle d’Allemagne, quittèrent la Conférence après avoir protesté contre la présence de représentants du Suprême Conseil Riandey.[71]

Avant que l’année soit écoulée, la juridictions Nord des États-Unis décidait de suspendre ses relations avec le Suprême Conseil d’Allemagne et la Juridiction Sud décidait de les rompre. Parmi les raisons invoquées par cette dernière juridiction, outre ses relations avec des corps qualifiés d’irréguliers, le Suprême Conseil d’Allemagne était accusé d’avoir renoncé à la croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers, et de manquer de respect envers la Bible. Après que le Suprême Conseil d’Allemagne ait accepté d’apporter des modifications à sa Constitution et à ses rituels et qu’une délégation de ses membres ait effectué en juin 1968 un voyage à Boston, ses relations avec la Juridiction Nord seront reprises trois mois plus tard. Mais il devra attendre quatre ans pour que celles-ci soient rétablies avec la Juridiction Sud au mois de novembre 1972.[72]

Au mois d’octobre 1970, les Grandes Loges Provinciales Britannique et Américaine-Canadienne situées sur sol allemand devinrent membres des Grandes Loges Unies d'Allemagne. Une importante modification sera apportée à la Magna Carta concernant la répartition des sièges au sein du Sénat, celui-ci comprenant désormais onze membres, chacun flanqué d’un suppléant.[73]

·       LES POURPARLERS AVEC L’ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE (1968-1980)

Les premiers contacts entre la Franc-Maçonnerie allemande et l’Église catholique, commencèrent en 1961 avec la rencontre du Grand Maître Vogel avec le R. P. Riquet et M Alec Mellor, puis entre le successeur de Vogel, le Grand Maître Pinkerneil, avec le cardinal Bea.[74] Le concile Vatican II (1962-1965) donna l’occasion d’autres contacts entre un consultant du Secrétariat pour les non-croyants, Mgr de Toth, et l’Ancien Grand Maître Vogel, puis d’une rencontre de ce dernier avec le cardinal König à Vienne en octobre 1968. Dans la note que Theodor Vogel rédige pour résumer cet entretien, on éprouve un certain malaise en lisant qu’il compara la lutte de l’Église catholique contre la dictature du prolétariat avec celle de la Franc-Maçonnerie allemande contre la dictature d’Adolf Hitler.[75]

Une commission fut alors discrètement constituée réunissant des représentants de l’Église catholique et de la Franc-Maçonnerie de langue allemande - quatre pour les Grandes Loges Unies d’Allemagne, deux anciens Grands Maîtres de la Grande Loge d'Autriche auxquels sera adjoint un Bâlois, ancien Grand Secrétaire de la Grande Loge Suisse Alpina. Parmi la délégation allemande, se trouvait Karl Hoede, éminent professeur qui avait dû à une intervention personnelle d’Hitler, au mois d’août 1942, d’obtenir l’autorisation de devenir membre du parti nazi, quoique Franc-Maçon depuis 1920.[76]

Une première série de trois entretiens se déroula en 1968 et 1969. Après la première rencontre, Mgr de Toth demanda à Theodor Vogel de rédiger un mémorandum destiné à être présenté au pape Paul VI, portant notamment sur les réactions éventuelles des loges lorsque ces contacts seraient connus et demandant « s’ils seraient considérés favorablement par la Mère-Loge de Londres ». Vogel se rendit en avril 1970 à Londres, accompagné d’un ancien Grand Secrétaire de la Grande Loge Suisse Alpina, pour renseigner les dignitaires anglais sur le déroulement des négociations. Ils lui recommandèrent la plus grande discrétion, tout en approuvant l’action qu’il avait entreprise.

Le 5 juillet, la Déclaration dite de Lichtenau signée par neuf Maçons et trois représentants de l’Église catholique fut remise en mains propres au cardinal König. Cette Déclaration se terminait ainsi :

Nous pensons que les bulles papales concernant la Franc-Maçonnerie ne conservent qu’une signification historique et qu’elles n’ont plus de place à notre époque. En ce qui concerne les condamnations découlant du droit canon, nous pensons de même qu’elles semblent incompatibles avec une Église qui enseigne d’aimer son prochain selon la parole de Dieu.

Trois réunions eurent lieu en 1974 et 1975, sans Suisses ni Autrichiens. Confrontés aux questions techniques de quatre théologiens auxquels ils avaient jugé bon de soumettre leurs rituels, les Francs-Maçons allemands admirent leur incompétence et demandèrent l’aide d’un théologien consultant. Les représentants de l’Église catholique refusèrent en menaçant de ne plus assister aux réunions si les Maçons insistaient.[77] Les Allemands semblent avoir eu tort d’accepter cette situation au cours de deux nouvelles réunions en 1978 et 1979.

Le résultat final fut celui que l’on sait. Une ultime réunion prévue au mois de janvier 1980 fut annulée au dernier moment par l’Église. La Conférence épiscopale allemande adopta le 1 avril 1980 une déclaration qui se terminait par la formule lapidaire: « Il est exclu de pouvoir appartenir simultanément à l’Église catholique et à la Franc-Maçonnerie ».[78]

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Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi une remarque personnelle. J’ai été à onze ans arrêté par la Gestapo et interné. J’ai choisi d’aller découvrir l’Allemagne peu après la fin de la guerre. J’y habite depuis de nombreuses années. Depuis trente-cinq ans, j’ai appartenu successivement à des obédiences maçonniques françaises, allemandes et suisse. J’ai connu plusieurs acteurs des événements que je viens de tracer devant vous et beaucoup d’autres dont je n’ai pas évoqué le nom ce soir. Tout cela créé des liens, et je ne voudrais pas courir le risque de vous avoir transmis une image inexacte.

L’Allemagne a été déchirée au cours du 20e siècle comme beaucoup de pays européens à la même époque. Un choix a été fait, délibérément, par ceux qui ont assumé la lourde tâche de réaliser l’unité de la Franc-Maçonnerie allemande après 1945. L’accord secret d’alors, disant en quelque sorte qu’il convenait de laisser les morts enterrer les morts, a traduit leur souci. Theodor Vogel et August Pauls en ont tenu compte pour parvenir à cette unité qui leur tenait tant à coeur.

Ce ne sont pas seulement de vieux souvenirs qui divisent les hommes, Maçons ou non, mais aussi le tempérament et la géographie. L’homme de Lille ou de Strasbourg ne ressemble guère au natif de Marseille. Même différence de l’autre côté du Rhin entre les habitants de Hambourg et ceux du Palatinat. Les Allemands du Nord respectent l’ordre, ils sont proches des Anglais et s’expriment un peu comme eux. Ceux du Sud, peut-être moins disciplinés, entretiennent des relations avec la France depuis des siècles, ce qui créé des liens qui ne se laissent pas facilement trancher, même au prix de la régularité maçonnique.

Pour tenter de vous rendre cette réalité sensible, je voudrais évoquer pour terminer un document récent, rédigé il y a moins de quatre ans. Vous y percevrez le drame de la Franc-Maçonnerie allemande de l’après-guerre, entre « le sentiment et la raison ».

·       LA CIRCULAIRE DE 1994

Pour comprendre ce qui suit, vous devez savoir qu’en octobre 1970, les Grandes Loges Provinciales Britannique et Américaine-Canadienne situées sur le sol allemand étaient devenues membres des Grandes Loges Unies d'Allemagne et que la Magna Carta avait été modifiée pour leur permettre d’obtenir chacune un siège au Sénat. A cette occasion, un siège fut également accordé à la Grande Loge Aux Trois Globes. Le Sénat comprenait désormais onze sièges au lieu de huit précédemment: cinq pour la GL AFAM, trois pour la Grande Loge Nationale, et un pour chacun des nouveaux arrivants.

Au cours d’une réunion du Sénat des Grandes Loges Unies d’Allemagne, le 11 juin 1994,

le Grand Maître de la Grande Loge Nationale [FO] présenta la résolution suivante : [...] les quatre Grandes Loges soussignées, membres des Grandes Loges Unies d'Allemagne,

1.       La Grande Loge Nationale [FO] ,

2.       La Grande Mère Loge Nationale Aux Trois Globes,

3.       La Grande Loge Américaine-Canadienne,

4.       La Grande Loge des Francs-Maçons Britanniques en Allemagne,

déclarent conjointement qu'en égard à la menace constante que représentent la Grande Loge AFuAMvD et certaines de ses loges pour la reconnaissance internationale des Grandes Loges Unies d'Allemagne, elles ont l'intention, dans un délai aussi bref que possible, de se concerter en vue de leur départ des Grandes Loges Unies d'Allemagne, si la Grande Loge AFuAMvD, avant le 30 septembre 1994, ne met pas de manière crédible et durable un terme à toute activité, ou à la tolérance de toute activité, susceptible de mettre en péril cette reconnaissance internationale [...].

 

Cette résolution faisait allusion à des réunions de Maçons allemands avec des membres d’obédiences françaises non reconnues. Elle amena le Grand Maître de la Grande Loge AF&AM à adresser à ses loges une circulaire dont voici quelques extraits:

[...] Au cours des quelque cinquante années de son existence, je ne connais pas de cas où la Grande Loge AFuAMvD ait été soumise à une pression de ce genre.

La Magna Carta prévoit expressément la possibilité du départ d'une ou de plusieurs de ses Grandes Loges membres. Dans un premier temps, le départ des quatre Grandes Loges mentionnées ci-dessus ne signifierait pas automatiquement la fin des Grandes Loges Unies d'Allemagne. Mais on peut envisager avec inquiétude la possibilité que ces quatre Grandes Loges constituent immédiatement un nouvel organisme au caractère de superstructure. Des exemples de ce genre se rencontrent dans l'histoire récente. Il ne serait pas exclu qu'un tel organisme parvienne à ce que la Grande Loge Unie d'Angleterre et, dans son sillage, la grande majorité des Grandes Loges qu'elle reconnaît dans le monde, ne retire sa reconnaissance aux Grandes Loges Unies d'Allemagne dont nous demeurerions alors les seuls représentants, pour la reporter sur cet organisme nouveau. Des exemples similaires se rencontrent également dans l'histoire récente.

Une telle situation signifierait que la Grande Loge AFuAMvD perdrait indirectement la reconnaissance de la plupart des Grandes Loges du monde. Ce ne sont pas seulement les rapports maçonniques internationaux qui deviendraient alors pratiquement impossibles pour nos loges et leurs membres. Ne serait-ce que pour ne pas faire courir de risque à sa propre reconnaissance, le nouvel organisme devrait interdire à ses membres tout rapport avec les loges relevant de notre obédience. [...]

La fondation des Grandes Loges Unies d'Allemagne fut principalement le résultat d'efforts accomplis par des Frères qui exerçaient des responsabilités dans notre Grande Loge. Ils tentèrent de réaliser le rêve d'une Franc-Maçonnerie allemande unifiée de manière à peu près acceptable. Le résultat n'est pas à l'abri de toute critique, mais il a du moins permis à tous les Francs-Maçons allemands d'avoir entre eux, sans restriction, des rapports maçonniques. Je suis convaincu que nous devons mettre en oeuvre tout ce qui est possible pour maintenir les Grandes Loges Unies d'Allemagne.[...]

A mes yeux, la résolution met en jeu de manière irresponsable l'existence des Grandes Loges Unies d'Allemagne et ce dans le but, à l'importance en comparaison insignifiante, d'interdire de manière effective les rapports maçonniques non autorisés, rapports dont l'existence depuis des décennies n'a guère été mise en cause et dont l'origine s'explique par des rapports humains remontant en partie à une époque à laquelle les Grandes Loges Unies d'Allemagne n'existaient pas encore. [...]

Je tiens à souligner que tant cette résolution elle-même que ce qui en constitue la base, à savoir la rigoureuse politique de démarcation de la Franc-Maçonnerie mondiale reconnue par la Grande Loge Unie d'Angleterre, est incompatible avec ce qui pour moi constitue les fondements de la Franc-Maçonnerie. Je continue à penser qu'il est quasiment impossible de faire comprendre à un non-Maçon, au monde profane, ou à un jeune Frère aux aspirations idéalistes, les raisons pour lesquelles une distinction doit être faite entre Franc-Maçonnerie reconnue et non-reconnue. J'espère que viendra le jour où la situation présente sera considérée dans le monde entier comme insoutenable. [...]

Ma charge m'oblige à agir en tant que représentant d'un principe d'ordre auquel je ne me sens pas lié, alors que la loi de notre époque consiste à surmonter ce qui sépare, à franchir les frontières, et à jeter des ponts. Je n'ai néanmoins pas d'autre choix que celui de consacrer toutes mes forces à conserver intacte l'oeuvre des Frères Vogel, Pinkerneil et quelques autres. [...] N'oublions pas les mots de notre rituel d'Apprenti : « Insensible au bruit du monde, le Maçon poursuit son chemin, tranquille et sûr de lui, sans crainte face aux dangers, avec des buts élevés devant les yeux. » [79]


ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

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Compte-Rendu de la Quatrième Conférence Internationale des Suprêmes Conseils du 33e degré du Rite Ecossais Ancien Accepté. Tenue à Paris du 29 avril au 4 mai 1929. Paris: Suprême Conseil de France.

Compte-Rendu de la IXe Conférence Internationale des Suprêmes Conseils du Rite Ecossais Ancien Accepté. Bruxelles (Belgique) du 19 au 22 juin 1967.

Drei Ringe, Die. Bundesblatt der Grossloge Lessing zu den drei Ringen i. d. tschechoslovakischen Republik. Schriftleitung K. Borda, Reichenberg (Böhmen). [B]

Leuchte, Die. Unabhängige kritische Monatsschrift. Herausgeber: Franz Carl Endres, Küssnacht am Rigi (Schweiz). Stuttgart: Verlag Ernst Heinrich Moritz (Inhaber Franz Mittelbach). [B]

Eleusis. Organ des Deutschen Obersten Rates der Freimaurer des Alten und Angenommenen Schottischen Ritus. Selbstverlag DOR/AASR.

MZS - Mitteilungen der Grossloge “Zur Sonne”. Bayreuth. [B]

Ordensblatt - Nouveau nom (depuis 1933) du Zirkelkorrespondenz der Grossen Landesloge der Freimaurer von Deutschland. Schriftleitung: Oberstleutnant a. D. Kurt von Heeringen.

QCB - Quatuor Coronati Jahrbuch. Publication annuelle de la Forschungsloge Quatuor Coronati, Nr. 808 (V. G. L.).

QA - Quellenkundliche Arbeit. Publications de la Forschungsloge und Forschungsgesellschaft Quatuor Coronati e. V. Bayreuth.

Renaissance Traditionnelle. Bulletin intérieur de l’Association Renaissance Traditionnelle. Réservé aux membres de l’Ordre. B. P. 277. F 75160 Paris Cedex 04.

Wiener Freimaurer Zeitung. Herausgegeben von der Grossloge von Wien. [B]

 

 

 

NOTES



[1]    maçonnerie maçonneries 1990: 61. Également in Nefontaine 1990: 101.

[2]    Chevallier 1974-1975: III. 302

[3]    Veyne 1971 (1979): 125-128.

[4]    Cette loge prend l'année suivante le nouveau nom de L'Amitié aux trois Colombes, puis celui de Royal York de l'Amitié (zur Freundschaft) après qu'elle ait initié le prince Édouard Auguste, frère du roi d'Angleterre Georges III, le 27 juillet 1765.

[5] Une neuvième obédience, la Chaîne Fraternelle Allemande (Deutsche Bruderkette), fondée à Leipzig en 1924, rejoignit le Deutscher Grosslogenbund mais s'en retira en 1926.

[6]    La Grande Loge de France. fut fondée en 1894. Lorsque le Grand Orient de France la reconnaît en février 1905, il compte 386 loges, la Grande Loge soixante-quinze..

[7]    Oswald Wirth 1915: 259.

[8]    A ce Congrès de Genève devait naître le Bureau International des Relations Maçonniques qui exista jusqu’en 1921, lorsque fut fondé l’Association Maçonnique Internationale.

[9]    Dans le compte-rendu du Congrès Maçonnique international de Bruxelles d’août 1904 qu’il écrit dans la Bauhütte, Kraft indique que le premier point de l’ordre du jour était: ‘Nécessité de la connaissance de l’histoire de la Franc-Maçonnerie - Quels sont les meilleurs moyens à employer pour la répandre chez les jeunes Frères ?’. Kraft recevra le 33° et deviendra membre actif du Suprême Conseil pour l’Allemagne le 6 septembre 1930.

[10]   ‘Une visite de la Maçonnerie anglaise aux Maçons de Berlin’. In Alpina 1912: 74.

[11]   Rede des englischen Pro-Grossmeister Br. Lord Ampthill’- In Alpina 1912: 190-1. Lord Ampthill se rendra de nouveau à Berlin en mai 1913, une délégation de trente Frères allemands vient à Londres, le 8 mai 1914.

[12]   L’oeuvre monumentale de Begemann ne sera jamais publiée. (cf. AQC 1915. 28:2).

[13]   Beyer 1929: 7.

[14]   « Diese 99 Prozent aller, die sich auf der Erde Frmrr. nennen, werden immer unsere Erzfeinde bleiben ». Cité in Die Leuchte 1930, n° 12: 180. Steffens 1964: 529.

[15]   Article repris à Paris par Le Temps au mois d’avril et cité in Alpina 1921: 77.

[16]   Déclaration du 22 mai 1922 in Runkel 1932: III. 426-30.

[17]      Freudenschuss 1988: 10.

[18]   Neuberger 1980: I. 249

[19]   Beyer in MZS 1925-1926: 59-64.

[20]      Freudenschuss 1988: 15

[21]      Zirkelkorrespondenz 1926: 245, cité in Im Ordensstammhause... 1935: 8-9.

[22]   En 1930, la Grande Loge de Bayreuth reprendra la Bible tout en autorisant qu’un Livre Blanc soit placé à côté.

[23]   Beyer 1929: 5.

[24]   Compte-Rendu 1929: 35 et 37.

[25]   Melzer 1998: 296.

[26]   Aux élections du 20 mai 1928, le parti n'avait obtenu que 810.000 voix sur 31 millions de votants,

[27]   Steffens 1964: 367.

[28]   Rosenberg était rédacteur en chef du Völkischer Beobachter, organe du parti nazi.

[29]   Beyer 1932: 17.

[30]   Beyer 1932: 19.

[31]   Melzer 1998: 109 et 221.

[32]   Beyer 1932: 22-23.

[33]   Beyer 1932: 25.

[34]   Texte du télégramme de la Grande Loge de Saxe in Neuberger 1980: II. 246. Texte de ceux des trois Grandes Loges de Prusse in Die Drei Ringe avril 1933: 96 et Blau Buch 1934: 77-78. La réponse d'Hitler fut publiée dans l'Ordensblatt de la Grande Loge Nationale de mai 1933: 157 (citée in Melzer 1998: 353 note 118).

[35]   Koner fut arrêté le 28 août, Müffelmann le 5 septembre, Bensch probablement entre ces deux dates.

[36]   J’ai retrouvé ce document dans les archives du Suprême Conseil où il semble y avoir été oublié. Malgré la publication que j’en effectuai (Bernheim 1984: 21) le Suprême Conseil, jusqu’à ce jour, a refusé d’inclure le nom de Müffelmann dans la liste de ses Grands Commandeurs.

[37]   Neuberger  1980: II. 294.

[38]   Blau Buch der Weltfreimaurerei 1934: 85 - Hörstmann 1961: 20, Anlage D - Neuberger  1980: II. 305 - Ellic Howe 1982: 31 - Melzer 1998: 159, 180

[39]   Neuberger  1980: II. 311.

[40]   Blau Buch der Weltfreimaurerei 1934: 86.

[41]   Melzer 1998: 162.

[42]   Ceux de l’ancienne Grande Loge Nationale furent publiés en 1933 par le Wiener Freimaurer Zeitung. Des extraits de ceux de l’ancienne Grande Loge Aux Trois Globes furent publiés non sans courage en 1990 par cette obédience lorsqu’elle publia sa propre histoire (250 Jahre...: 57-59).

[43]   Une amorce de Grande Loge se forme à Bensheim, petite ville au sud de Francfort, en novembre. Elle survivra mal à la mort de son fondateur, Fritz Lichtenberg, le 24 mars, et se transformera en Grande Loge du Würtemberg. Cependant elle organisera une réunion à Stuttgart en juin 1946 au cours de laquelle Beyer déclare qu'il ne faut pas renouer avec les trois Grandes Loges de Prusse avant qu'elles n’aient reconnu leurs torts.[43] En zone d’occupation britannique, des membres de ces Grandes Loges se réunissent à Herford au mois de novembre 1946.

[44]   August Pauls (1873-1956) était devenu Maçon en 1901 dans une loge d’Aix-la-Chapelle relevant des Trois Globes. Il habita Magdebourg de 1904 à 1945.

[45]   Steffens 1964: 537.

[46]   Böttner 1962: 214.

[47]   Denslow & Dietz 1949: 19 - Böttner 1962: 219 - Steffens 1964: 539 - Melzer 1998: 301.

[48]   Quatre-vingt-une proviennent des Grandes Loges de Prusse (quarante-deux des Trois Globes, trente-cinq de Royal York, quatre de la Grande Loge Nationale), soixante-dix-sept loges des Grandes Loges de Bayreuth (trente-quatre), de Hambourg (dix-huit), de Francfort (quatorze), de Darmstadt (sept) et de Dresde (quatre). Six loges relevaient d'obédiences considérées avant la guerre comme irrégulières (cinq de la Grande Loge Symbolique, une du Soleil Levant). Les dix dernières ont été créées depuis 1945.

[49]   L’Orateur du jour est le Dr Ernst Horneffer (1871-1954), philosophe et élève de Nietzsche, sur lequel la presse maçonnique d’après-guerre se répand en éloges (voir sa nécrologie in Eleusis 1954: 139-143, et l’article que lui consacre le futur Grand Maître, le Dr Klaus Horneffer, in Eleusis 1968: 226-239). Il faut se reporter à un article paru à Leipzig (Auf der Warte, 16 janvier 1931) pour apprendre que ce Franc-Maçon s’élevait alors publiquement avec la dernière énergie contre la journée de travail de huit heures, l’assurance-maladie, la nourriture distribuée aux enfants dans les écoles et l’assurance-chômage.

[50]   Déclaration du Grand Maître Vogel au Grand Maître Viaud qui la rapporta à l’auteur.

[51]   Le procès-verbal (Verhandlungen... 1955) de cette réunion contient des éléments surprenants dont certains portent sur les déclarations que les représentants de la Grande Loge Nationale avaient faites à Londres au mois de février précédent. Ils nient avoir désavoué certaines actions du Grand Maître von Heeringen en 1933-1935 en affirmant que le procès-verbal de Londres ou sa traduction en allemand sont inexacts. Ils réaffirment que leur Grande Loge n’accepte que des chrétiens. Ils reconnaissent avoir déclaré à Londres « qu’ils avaient eu davantage à souffrir sous Hitler que peut-être certains Juifs » et lorsque les représentants de la Grande Loge Unie d’Allemagne leur demandent s’ils pensent que cette déclaration devrait être portée à la connaissance des Frères Juifs de la Grande Loge Unie d’Allemagne à New York ou en Israël, leur réponse est qu’au cas où leurs interlocuteurs seraient d’avis que ces mots pourraient être mal interprétés, ils réfléchiront à l’opportunité de faire une déclaration supplémentaire à cet égard. Les représentants de la Grande Loge Nationale réaffirment que leurs déclarations au parti nazi avaient pu laisser croire qu’ils étaient contre les relations maçonniques internationales, mais qu’elles n’avaient été qu’un camouflage (Tarnung). Dans la Déclaration Générale qui leur est soumise et qu’ils n’accepteront de signer le 9 janvier 1955 qu’après en avoir singulièrement modifié les termes, ces déclarations seront dites avoir été faites « à l’époque de la persécution politique de la Franc-Maçonnerie allemande ».

[52]   La situation devient inextricable à la suite de l'adhésion de la Grande Loge Nationale, le 10 septembre 1956, au Traité d'amitié existant entre les Grandes Loges de Suède, du Danemark, d'Islande et de Norvège, en vertu duquel elle ne peut désormais conclure d'accord international sans l'approbation de ses partenaires.

[53]   Le Grand Secrétaire, Sir James Stubbs, l’évoque ainsi dans ses souvenir:« The raison d’être of the conference in the summer of 1957 was to bring the hostile sects together, if by no other means than telling their leaders that there was not going to be full recognition of German Masonry till that happened. » (Stubbs 1985: 85).

[54]   La première ébauche de la Magna Carta remontait au mois de juillet 1955. En 1959, la Grande Loge Aux Trois Globes sera acceptée au sein des Grandes Loges Unies d’Allemagne, mais sans siège au Sénat.

[55]   VGL pour Vereinigte Grosslogen von Deutschland, la lettre "n" ajoutée à la fin du mot Grossloge marquant le pluriel. La Vereinigte Grossloge de 1949 sera renommée Grosse Landesloge der Alten Freien und Angenommenen Maurer von Deutschland (Grande Loge Nationale-AFuAMvD). La Grande Loge Nationale ajoutera à son titre les deux mots Freimaurerischer Orden, c'est-à-dire Ordre Maçonnique. Ces deux Grandes Loges sont généralement désignées dans le langage courant par les abréviations AFAM et FO.

[56]   « The next we heard of their relations was the publication of a tortuous document entitled ‘Magna Carta’, which was designed, if all parties could be got to accept it, to produce a kind of super Grand Lodge, or more realistically an umbrella under which they could all shelter without loss of independence. This statement of intent sufficiently ressembled the general concept of a Grand Lodge for it to receive the recognition of the Masonic world generally under the title of United Grand Lodges (NB the plural) of Germany » (Stubbs 1985: 85).

[57]   La Convention de Luxembourg, signée le 15 mai 1954, réunissait à l’origine cinq obédiences européennes: la Grande Loge Unie d’Allemagne, la Grande Loge de Vienne (Autriche), la Grande Loge du Luxembourg, la Grande Loge Suisse Alpina et le Grand Orient des Pays-Bas. La Grande Loge de France y fut admise le 8 septembre 1956. Des négociations franco-françaises entamées en 1955 en vue d'une fusion entre la Grande Loge de France et la Grande Loge Nationale Française, échouèrent après que la Grande Loge de France ait décidé sur proposition de son Conseil Fédéral de retirer ce projet de fusion de l'ordre du jour de son convent, le 14 janvier 1956. Deux réunions de la Convention de Luxembourg avec des représentants des Grands Orient de France et de Belgique se soldèrent par un échec à Bruxelles, le 11 octobre 1958. Des conversations tripartites s’engagèrent alors entre la Grande Loge Nationale Française, le Grand Orient et la Grande Loge de France du 6 février au 16 juin 1959 dans le but de fonder une Confédération Maçonnique Française. Elles se terminèrent également par un échec dont l'une des conséquences fut la décision prise par le convent de la Grande Loge de France, le 18 septembre 1959, de suspendre ses rapports avec le Grand Orient de France. Ces rapports, repris cinq ans plus tard, aboutirent à la signature d'un Traité d'Alliance Fraternelle, ratifié par les convents des deux obédiences au mois de septembre 1964. Des réunions officieuses franco-françaises élargies devaient avoir lieu une quinzaine d'années plus tard sans amener de résultat concret. En arrière-plan d'un projet de confédération maçonnique européenne, caressé en 1988 par la Grande Loge de France, celle-ci tenta de reprendre ses relations avec la Grande Loge allemande AFuAM au printemps 1989. Cette tentative se termina l'année suivante à la suite d'un avertissement (warning letter) de la Grande Loge Unie d'Angleterre.

[58]   Un Livre Blanc contenant la version originale de plusieurs lettres et du compte-rendu de cette conférence fut publié en 1960 par le Grand Orient des Pays-Bas. Il fut publié en français avec quelques regrettables erreurs de traduction dans Documents Maçonniques, supplément au Bulletin N° 24 (novembre-décembre 1960) du Grand Orient de France et dans le Bulletin N° 3 du Grand Orient de Belgique en 1967. Raoul Koner en publia une traduction allemande en annexe à ses Mémoires, Ein Freimaurerleben, en 1976.

[59]   Pauls avait reçu le 30° à Berlin le 18 avril 1930, le jour de l’installation du Suprême Conseil. Passé ensuite à la juridiction autrichienne, il avait reçu le 33° le 21 novembre 1932 à Vienne.

[60]      Reconnaissance par la Juridiction Sud des États-Unis, le 18 octobre 1951, par le Suprême Conseil de France, le 8 octobre 1954.

[61]   Extrait du procès-verbal de la Conférence au cours de laquelle Pauls fit la connaissance de l’ancien Grand Commandeur Reber qui vivait en Suisse.

[62]   Les Annalen indiquent qu’Hörstmann avait été installé Président de l’atelier du 30° de Hanovre par le Grand Commandeur Pauls au mois de mai 1954 et qu’il était membre du Suprême Conseil en 1957 sans préciser quand il y fut coopté.

[63]   Das Verhältnis... 1961: 8-9.

[64]   Né en 1893, Schalscha était devenu Maçon à Breslau le 21 juin 1928. Il émigra en Angleterre en janvier 1936. retourna en Allemagne en 1948 et fut nommé juge à la Cour Fédérale de Karlsruhe en 1953.

[65]   Das Verhältnis... 1961: 8-11.

[66]   Hörstmann 1961.

[67]   Hörstmann 1961: 13-14.

[68]   «... die 1946 getroffene Vereinbarung, die Vorgänge in der Deutschen Freimaurerei in den Jahren 1920 bis 1935 der Vergessenheit anheim zu geben und darüber zu schweigen... » (Das Verhältnis... 1961: 12).

[69]   cf. Awe 1961: 24 & 33. L’année de l’accord est indiquée comme 1947 in Busold 1961: 3.

[70]   Steffens 1964. La première étude sérieuse sur les rapports entre la Maçonnerie allemande et le nazisme a été la thèse de doctorat de Neuberger en 1980.

[71]   Compte-Rendu de la IXe Conférence Internationale. 1967 - Annalen 1980: 72-73.

[72]   Voir les Annalen établies par J. G: Müss, 33°, publiées en 1980. Le Grand Commandeur Schalscha avait eu pour successeurs Udo Sonanini, élu en 1969, puis un jeune architecte de quarante-sept ans, Heinz Lott, élu en 1972. En 1978, le Dr. Kurt Hendrikson fut élu Grand Commandeur. Les dossiers aux Bundesarchiv, Berlin-Lichterfelde (ancien Berlin Document Center) indiquent qu’il avait demandé à devenir membre du parti nazi le 31 octobre 1940 et y avait été admis le 1 janvier 1941 avec le numéro 8 289 368, et que le Prof. Dr. Herbert Kessler, élu son successeur en 1984, était devenu membre du parti le 1 mai 1941 avec le numéro 8 934 793.

[73]   En 1998, les Grandes Loges Unies d’Allemagne comprenaient 462 loges. Au sein du Sénat qui comporte désormais onze représentants, la Grande Loge AFuAM en a cinq pour 269 loges, la Grande Loge Nationale-FO trois pour 99 loges, les Trois Globes un pour 44 loges, la Grande Loge Américaine-Canadienne un pour 36 loges et la Grande Loge des Francs-Maçons Britanniques un pour 14 loges. Les décisions du Sénat sont prises à la majorité des 4/5èmes, sauf si l'une des Grandes Loges n'est pas représentée à l'une de ses sessions, éventualité dans laquelle l'unanimité est requise.

[74]   Ce paragraphe est basé sur les documents réunis in Quellenkundliche Arbeit N° 9 (1976) et N° 14 (1980).

[75]      Quellenkundliche Arbeit N° 9: 22.

[76]   Melzer 1998: 282.

[77]      Quellenkundliche Arbeit N° 14:5.

[78]   Voir in Renaissance Traditionnelle 73-74 (1988): 194-196, la réaction de René Guilly à cette Déclaration.

[79]   La circulaire de juillet 1994 était signée Klaus Horneffer, Grand Maître. Au nom du comité de la Grande Loge: Jens Oberheide, Axel Pohlmann, Werner Vögele, Hans-Joachim Jung, Herbert Bock.